Le premier appel à propositions de recherche lancé par TNI sur les politiques industrielles vertes dans les pays du Sud a reçu des réponses remarquables
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Le premier appel à propositions de recherche lancé par le Global Green Industrial Policy Lab de TNI a suscité un intérêt sans précédent de la part des chercheurs de l'hémisphère Sud, et les 48 propositions qui ont été soumises sont de grande qualité et ont largement dépassé les attentes initiales. La diversité et la pertinence des travaux qui font l’objet de ces propositions démontrent le besoin urgent de mener des analyses centrées sur les pays du Sud, afin d’étudier les défis et les opportunités qui se présentent dans la mise en œuvre de politiques industrielles vertes.

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Perspectives critiques sur les politiques industrielles vertes
Les travaux soumis témoignent d’approches analytiques complexes qui s’émancipent des modèles économiques conventionnels. Les chercheurs étudient l'économie politique des transitions vertes, se demandent à qui profitent la mise en œuvre de politiques industrielles vertes et examinent les nouvelles formes de dépendance qui peuvent émerger. Les propositions de recherche qui nous viennent de Tunisie, d'Égypte et de plusieurs pays d'Amérique latine interrogent le risque pour les stratégies industrielles vertes mises en œuvre actuellement de reproduire les systèmes (neo)coloniaux d'extraction des ressources, en lien avec les discours actuels sur l’environnement.
La participation démocratique et la gouvernance s’imposent également comme des thématiques prioritaires pour les chercheurs des pays du Sud. Plusieurs propositions explorent les dynamiques de résistance des populations contre les méga-projets, les méthodes d’élaboration de politiques participatives et le rôle que peut jouer la société civile dans le développement industriel. Ces thématiques rejoignent l'engagement du Global Green Industrial Policy Lab de dépasser les approches technocratiques pour se tourner vers des stratégies plus inclusives.
Innovation méthodologique
Les propositions reposent sur des méthodologies de recherche très diverses, qui vont de l'analyse comparative des politiques mises en place dans plusieurs pays à la recherche-action impliquant directement les communautés locales. Plusieurs contributions proposent de nouveaux outils pour mesurer les « marges de manœuvre » dans la conception des politiques industrielles, tandis que d'autres choisissent d’analyser les inégalités structurelles dans le développement industriel par le prisme du féminisme.
Perspectives régionales et opportunités pour la recherche comparative
Les propositions concernant l'Afrique subsaharienne mettent l'accent sur les enjeux en matière de capacités institutionnelles tout en explorant des modèles innovants, tels que l'industrialisation communautaire au Soudan et les stratégies de fabrication de vaccins à travers le continent. L'analyse comparative des conditions de travail dans le secteur des énergies renouvelables en Afrique du Sud et les évaluations critiques des politiques de transition énergétique juste, notamment la relation complexe qu’entretient le pays avec l'entreprise publique Eskom et les programmes d'expansion du réseau d’électricité, constituent des problématiques majeures. Plusieurs propositions étudient également l'économie politique des mutations structurelles à travers le passage aux énergies renouvelables dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Les contributions venues d’Amérique latine se concentrent dans une large mesure sur les dynamiques de la transition énergétique, en étudiant les politiques du Brésil en matière de biocarburants ou encore la gouvernance du secteur de l’hydroélectricité au Honduras. Les propositions soumises par des chercheurs asiatiques offrent un éclairage essentiel sur l'intersection entre la gouvernance environnementale et l'innovation dans le secteur manufacturier.
La diversité des profils des candidats témoigne de l'engagement du Global Green Industrial Policy Lab à rapprocher les sphères universitaires et militantes. Les propositions nous viennent à la fois de chercheurs en début de carrière qui présentent des idées novatrices, mais aussi de professeurs expérimentés issus d'universités de renommée mondiale. On notera que plusieurs propositions ont été soumises par des militants sociaux et environnementaux travaillant avec des organisations de la société civile, et qui apportent des perspectives concrètes souvent absentes des débats académiques. Cette pluralité de voix, des jeunes diplômés qui se lancent dans leur premier grand projet de recherche aux universitaires expérimentés et aux professionnels de terrain, permettra de lier la rigueur théorique aux connaissances pratiques pour comprendre dans quelle mesure les politiques industrielles peuvent affecter les communautés locales.
Impacts pour la mission du laboratoire
Cette réponse valide le principe fondamental du Global Green Industrial Policy Lab selon lequel la recherche sur les politiques industrielles vertes doit être ancrée dans les réalités des pays du Sud, au lieu d'être adaptée à partir de modèles d’analyse conçus dans les pays du Nord. Les propositions révèlent des enjeux communs à différents contextes, notamment des ressources budgétaires limitées, une faible capacité institutionnelle ainsi que les pressions exercées par les chaînes de valeur à l’échelle mondiale. Les contributions mettent également en évidence la diversité des stratégies nationales et de l’innovation dans l’élaboration de politiques.
La répartition géographique révèle également des lacunes en matière de recherche. Malgré la portée mondiale de l'appel, certaines régions ne font que peu ou pas l’objet de propositions de recherche, ce qui révèle la nécessité de procéder à une diffusion plus ciblée, ainsi qu’à un renforcement de capacités lors des prochains appels à contribution.
Et maintenant ?
Sur les 48 propositions soumises, 46 feront l'objet d'une évaluation, réparties comme suit : Amérique latine (18), Afrique subsaharienne (14), Asie (9) et Afrique du Nord (5). Bien que pertinentes, deux propositions soumises par des chercheurs européens ne seront pas prises en considération car l'appel visait spécifiquement les chercheurs basés en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Cette orientation géographique correspond à l'objectif du Global Green Industrial Policy Lab de relayer les voix et les perceptions des pays du Sud.
Les 18 chercheurs sélectionnés à l’issue du processus d’évaluation participeront à une école de printemps qui aura lieu en Afrique du Sud en mars 2026, ce qui constituera une opportunité de participer aux transferts de connaissances Sud-Sud et de réfléchir à des stratégies de manière collaborative. La qualité et la diversité des propositions indiquent que la rencontre entre participants pourra faire émerger d’importantes réflexions pour les décideurs politiques, les chercheurs et les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la transformation industrielle dans les pays du Sud.
Le grand intérêt qu’a suscité ce premier appel à proposition lancé par le Global Green Industrial Policy Lab montre l’importance de cette initiative pour faire avancer la recherche contextuelle sur l'un des plus grands enjeux de développement de notre époque. Les résultats des recherches, qui seront publiés en 2026, contribueront à développer des approches plus nuancées des politiques industrielles vertes avec un fort ancrage local, et qui font de la justice sociale et de la durabilité environnementale une priorité.
Les travaux de recherche sélectionnés seront publiés par TNI sous forme numérique et au format papier au cours de l'année 2026, et les résultats préliminaires seront présentés lors de l'école de printemps qui aura lieu en Afrique du Sud.